Rendez vous avec une poule d'eau, un poisson chat et quelques invertébrés aquatiques, l'occasion de réfléchir au « vivant »
Publié le 25 Janvier 2021
2020, c'était :
- L'atelier « Espace [&] Publics » installé régulièrement au Muséum d'histoire naturelle de Marseille...
- L'organisation du workshop « Biomorphisme » avec Philippe Costard : partir de la nature pour étudier, concevoir, imaginer des formes économiques, recyclables, innovantes, ultra légères, intelligentes et souples.
- Un petit truc microscopique qui se développe à une vitesse folle et modifie la vie de plusieurs milliards d'individus...
- Ma participation au Mooc Nature for City LIFE (niveau 1 et 2) proposé par la Région Sud et le Laboratoire Population Environnement Développement d’Aix-Marseille Université. Je découvre la notion de « service écologique », l'idée que la nature est économiquement chiffrable puisqu'elle rend des services aux hommes comme les abeilles qui pollinisent les fleurs. Cet outil controversé permettrait de convaincre le politique de l'intérêt de la protection environnementale...
- Quelques explorations immersives avec Pierre dans les rivières du Var à la découverte de la ripisylve* parfois piquante, à la récolte de bois flotté mais lourd, et à l'observation de dessins sous l'écorce laissés par des scolytes xylophages...
- Une précieuse semaine contemplative de navigation sur le canal du nivernais en longeant la rivière Aron, entre amarrages sauvages, troupeaux ruminants et invasion d'insectes éphémères...
- Le colloque Minimaousse à la cité du patrimoine et de l'architecture avec les interventions de Chris Younès («Ville contre-nature, Philosophie et architecture», la Découverte, 2010), Jacques Rougerie («De vingt mille lieues sous les mers à Sea Orbiter», Democartic Books Eds, 2010), Philippe Rham («Le jardin météorologique et autres contes», B2, 2019)...
- IMMERSIO, le développement d'un projet d'espace immersif autour de la bio-diversité dans les rivières, mené avec la Maison régionale de l'eau et l'agence MARS.
Réfléchir au « vivant » en qualité de Designer implique déjà de :
- Recourir à des entreprises, fournisseurs, fabricants ayant intégré une démarche environnementale, un label éco-responsable, recyclant au mieux les déchets et privilégiant des produits sains. Il est nécessaire dans ce cas de lire attentivement les chartes d'engagement afin de démêler ce qui est du « green washing » de vraies valeurs profondément ancrées.
- Porter une attention particulière au choix des matériaux eux mêmes, renouvelables, recyclables, bio sourcés, et sains pour l'homme. Ce n'est pas toujours facile de démêler ce qui est polluant pour l'air, pour le sol, pour nos gènes. C'est souvent un compromis bénéfice/risque compliqué. Comment mesurer l'impact d'un matériaux ultra performant comme le polystyrène par exemple. Il est composé d'une très faible quantité de matière polluante expansée à 98 % par de l'air. Il faut aussi intégrer les colles, supports, rails de fixations et revêtements éventuels pour avoir une vision globale de son impact environnemental.
- Comprendre et accepter la nature même du matériau. Tout le monde est par exemple généralement élogieux vis à vis du bois, ce matériau vivant, solide, chaleureux. Et pourtant, on n'accepte pas qu'il travaille, bouge, se tache ou change de couleur naturellement. Il est donc normalisé, traité, ignifugé, revêtu et se comporte finalement comme du plastique favorisant le développement de panneaux aux dimensions extravagantes, usinables, composés majoritairement de colle, revêtu, parfois imprimé avec son propre motif.
- Maîtriser la quantité de matériaux pour être optimum et envisager le ré-emploi futur dès la fabrication. Le mot frugalité est à l'ordre du jour.
- Limiter le transports en consommant local. Difficile à appliquer car les matériaux et les savoir-faire liés à leur transformation ou façonnage sont rarement tous réunis sur place. C'est également peu conciliable avec le règlement des appels d'offres et marché publiques qui ne permettent pas de favoriser un fournisseur local au nom de la libre concurrence.
- Mettre en place les démarches de BIM* appliquées au Design et de tendre à conclure les projets par les missions de DMO* pour assurer la gestion future des objets ou espaces réalisés. Cela facilite la gestion autonome et l'exploitation future en créant un lien plus souple entre le moment du projet qui se situe budgétairement comme un investissement et sa vie future qui est de l'ordre du fonctionnement...
Tout ceci questionne, se négocie, se discute et fait l'objet de constantes ré-évaluations parfois contradictoires lors du développement du projet. Ce n'est pas spécialement nouveau, c'est juste désormais quasi obligatoire au regard du contexte contemporain.
Plus profondément, la question se pose au niveau méthodologique.
Comment représenter et formaliser le vivant dans toutes ses interactions, avec une vision écosystémique, l'universalité des phénomènes, l'imbrication des échelles allant du microscopique à l'univers en passant par le climat aujourd'hui au centre, la notion du temps qui apparaît multiple et pas aussi linéaire que la culture moderne occidentale voudrait bien le faire croire ?
Le Designer utilise normalement des verbes d'action pour travailler et produire des formes. Il coupe, roule, rabat, plie, courbe, raccourcit, tord, simplifie, enlève, mélange, suspend, étend, presse.... (Extrait de la Verblist de Richard Serra. «écrits et Entretiens» éditions Daniel Lelong, 1990)
Le designer est également amené à choisir, et choisir, c'est un peu porter le deuil, réduire les possibles et sélectionner de façon restrictive au milieu d'un riche potentiel d'ouvertures. C'est défaire un agencement (composition structurée qui s'équilibre). Vinciane Despret nous conseille de « ne pas démembrer un agencement » (conférence du 15 janvier 2020 à l'ESADMM)
Il serait donc inapproprié d'être proactif et peu satisfaisant de rester passif. Peut être faut-il utiliser aujourd'hui d'autres ressorts et modes de conception.
On peut réfléchir à l'usage de verbes à la « voix moyenne » qui indiquent une action réalisée pour le bénéfice du sujet. Ainsi, selon cette forme grammaticale : des arbres mobilisent des champignons qui convoquent eux-même des bactéries, les fleurs séduisent des insectes, les orchidées invitent des oiseaux. Cela serait plus propice aux rencontres, aux interférences, aux liens, à la complexité, aux interactions du monde
« vivant »
On peut aussi imaginer et visualiser la nature comme des trames superposées complexes. C'est propice et déjà utilisé en milieu urbain pour parler des trames vertes, bleues, noires, ou marrons pour recomposer un système en réseau favorisant la circulation et la mobilité des espèces, l'eau, l’obscurité nocturne et la continuité du sous-sol. Je pense immédiatement aux architectures déconstructivistes qui ont su multiplier, superposer et déformer des trames (Voir par exemple de Parc de la Villette par Bernard Tschumi – Paris 1987)
Voici donc maintenant mon programme pour 2021 :
- Utiliser des verbes de « voix moyenne » pour être ni actif, ni passif.
- Lire « habiter en oiseau » de Vinciane Despret – éditions Actes Sud – 2019
- Lire « Reliance » de Edgar Morin – éditions de l'Aube - 2000
- Lire « Bifurquer: Il n'y a pas d'alternative » sous la direction de Bernard Stiegler – éditions Les Liens Qui Libèrent – 2020
- Inviter enfin Francis Hallé en conférence à l'ESADMM dès que la situation sanitaire le permettra.
2021, verra la finalisation d'IMMERSIO, espace de découverte et de sensiblisation à la biodiversité aquatique, réalisé pour et avec la Maison régionale de l'eau et l'Agence Mars.
IMMERSIO sera présenté au congrès mondial de la nature de l'UICN*
à Marseille au Parc Chanot dans l'Espace Génération Nature
du 3 au 11 septembre 2021
Congrès mondial de la nature de l'UICN 2020 | Congrès mondial de la nature de l'UICN 2020
75 million+ portées sur les réseaux sociaux Participer Recevez les dernières infos du Congrès Dr Dalee Sambo Dorough- International Chair of the Inuit Circumpolar Council (ICC), 06 Août 2020 D...
Ripisylve* : ensemble des formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d'un cours d'eau, d'une rivière ou d'un fleuve.
BIM* : sigle anglais de Building Information Model qui désigne les outils de modélisation des informations de la construction qui ne se limite pas à l'acte de construire, mais concerne l'ensemble du cycle de vie d'un ouvrage, depuis la programmation, les esquisses jusqu'à sa déconstruction et la réutilisation, le recyclage ou la valorisation énergétique des éléments en fin de vie.
DMO* : Dossier de Maintenance de l'Ouvrage ayant pour but de donner tous les renseignements techniques nécessaires pour assurer les maintenances préventive et corrective.
UICN* : Union internationale pour la conservation de la nature